Origine et préhistoire du Japon [Culture de qualité => Histoire]
Chapitre I : Origine et préhistoire du Japon
Partie 1
Ce premier exposé couvre une période allant de ~ -80000 à ~300 ap. J.C.
1. Les origines
Il n’est vraiment pas facile de dire avec certitude d’où vient le peuple aujourd’hui connu sous le nom de japonais. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas unique, qu’il n’est pas « fermé » ni « à part ». Bien au contraire : il est issu du mélange, du « croisement » de peuples issus d’horizons aussi divers que l’Océanie, la Sibérie, l’Asie du Sud-Est.
On distingue plusieurs vagues successives de « conquêtes », ayant donnés lieu à autant de rencontres, d’enrichissements et d’échanges.
Pour les périodes très anciennes, plusieurs colonisations ont eu lieu suite aux grandes périodes de glaciation. Il est ainsi probable que des peuples issus de l’Asie du Sud soit arrivé au Japon en traversant le bras de mer, alors à sec, de 177 Km de long qui sépare la péninsule Coréenne du Japon. Ce phénomène est bien connu et c’est sans doute ainsi que, traversant le détroit de Béring à la poursuite de troupeaux de bisons, des asiatiques posèrent le pied en Alaska. Les premières traces humaines remontent à 80000 avant Jésus Christ et sont le fait d’homo erectus (Certains parlent même de -200000 ans).
La suite est très complexe… car même dans le domaine de l’archéologie, les considérations « politiques » voire nationalistes empêchent souvent d’avoir une vision claire des choses.
Les premiers homo sapiens seraient arrivés dans l’archipel d’Okinawa via le Pacifique. D’autres groupes, venus de Sibérie, que l’on a d’abord pris à tort pour des caucasiens, les Aïnu, s’installant au Nord de l’Archipel avant de la conquérir complètement. Ces derniers furent peu à peu complètement assimilés par les peuples venus d’Asie pour quasi disparaître aujourd’hui. Ces « colonisations » ont perduré via la Corée jusqu’au IIIème siècle.
Bref, le peuple japonais (comme tous les autres !) est hybride… issu d’un mélange de peuples d’horizons différents.
2. Jômon 縄文時代
Cette période s’étale de -8000 à -700 encore que cette chronologie ne soit pas fixe (Les premières poteries nippones remontent à -12000). « Jômon » signifie « décoration cordée » tout simplement parce que les poteries de l’époque étaient « tatouées » au moyen d’une corde avant d’être cuite, ce qui donnait un motif tout à fait particulier. Caractéristiques de cette époque: les dogu, sorte de personnage en terre cuite.
![]() | Les peuplades Jômon étaient composées de groupes d’une trentaine de personnes qui vivaient de la chasse et de la cueillette (avec toutes les techniques "classiques" pour les époques précédant l'âge du bronze: armes en pierre taillées etc.). Certaines tribus côtières vivaient également de la pèche (en témoigne les harpons retrouvés sur certains sites de fouilles qui constellent le Japon). Ils vivaient dans des habitations de plusieurs types : |
Photo: Dogu |
Il est intéressant de noter combien ces structures (notamment les formes de toit) se retrouvent encore aujourd’hui dans l’architecture traditionnel du Japon. Nombre de ces bâtiments peuvent être admirés aujourd’hui à Ikegami, dans la région d’Ôsaka, où ils ont été reconstruits.
C'est à cette époque que Jimmu Tennô 神武 , premier Empereur du Japon et descendant de la déesse Amateresu, aurait fondé celui-ci le 11 février -660. Ce personnage est purement mythologique. N'en demeure pas moins que l'actuel empereur descendrait directement de lui (A prendre avec des pincettes vu les relents nationalistes). Cette pseudo-"chronologie" ne sera en fait fixée que bien plus tard, au VIIIème siècle, lors de la rédaction du Kokiji.
3. Yayoi 弥生時代 (-300 à 300)
Cette époque est caractérisée par la maîtrise du fer et du bronze (notamment des lances en bronze typiques) , l’introduction du cheval et les premières rizières (techniques sans doute venues de Corée). Les premières tribus dites « Yayoi » sont apparues dans le Sud de Kyûshû avant de se répandre dans l’archipel vers le Nord (la limite de l’extension de la culture Yayoi était Sendai, dans la région du Tôhoku). Le nom donné à cette période vient également des poteries caractéristiques de cette époque (de réalisation beaucoup plus fine et recherchée). Yayoi est le nom du quartier de Tôkyô où elles furent découvertes pour la première fois. | ![]() |
Au niveau religieux, les miroirs (en bronze) deviennent un objet rituel répandu.
Partie 2
4. L'ère Kofun 古墳時代 (IIIème- VIème)
La "culture" kofun a émergé dans le Kinai (Région de Nara-Kyôto): elle est caractérisée par la construction de grandes tombes (kofun) où reposent les personnages importants de cette époque (encore que la pratique se soit quelque peu généralisée à la fin de la période, parallèllement avec l'abandon du "gigantisme" des tombes).
D'après des théories aujourd'hui dépassées, l'origine de ce "rite" funéraire est à trouver sur le continent. Certaines tribus nomades de cavaliers venus de Corée s'étant installer dans le Kinai et ayant imposé cette coutume aux peuplades Yayoi, avant de prendre le contrôle de tout le Yamato. Cette thèse a été combattue avec succès par certains historiens qui plaident pour une naissance autochtone de ces "cultures" (les cultures Yayoi varient selon les endroits).
Plusieurs "formes" de tombes se sont succédées:
D'abord ronde (empun)
Ensuite carrée (hôfun)
En forme de trou de serrure (zempô-kôen-fun)
Et enfin carrée à \'avant et rectangulaire à l'arrière (zempô-kôhô-fun)
La plus grande tombe est celle de Nintoku 仁徳 Tennô (313-399) qui fait 486 m de long sur 305 m de large.
Ces tombes étaient garnies d'haniwa, sortes de figurines en terre cuite représentants des hommes, des maisons, des animaux etc., et entourrées de fossés dont certains étaient emplis d'eau.
Haniwa
Au niveau religieux, les premiers sanctuaires sont construits à Ise et Izumo et reprennent la forme des hottatebashira tatemono dont les premiers exemples remontent à la période Jômon tardive. Les premiers torii (portes) font leur apparition.
La poterie se divise en deux groupes:
Haji: dont la technique ne varie pas énormément de celle de la période Yayoi mais dont la teinte rouge est caractéristique.
Sue: Plus tardive (VIIème siècle) et de bien meilleure facture dont l\'ouverture large et évasée est la caractéristique.
A la fin du IVème siècle, émerge l'état du Yamato 大和. Celui-ci est peut-être le successeur du Yamatai fondé par Himiko, mais rien n'est mois sûr.
Quoiqu'il en soit, son existence est averée dès le IVème siècle, notamment grâce à la fameuse lance à 7 pointes datant de 369, cadeau du "du Roi de Paekche (Corée, plus précisement Kudara) au seigneur du Yamato" et conservée au sanctuaire d'Isonokami, ainsi que les tributs envoyés aux Empereurs Chinois de l'époque.
C'est avec le Yamato que commencent les relations "troublées" avec la Corée. La péninsule coréenne est alors divisée en trois "royaumes":
• Au Nord, Kôkuri
• Au Sud-Ouest, Kudara
• Au Sud-Est, Shiragi
Cette carte présente la répartition des "royaumes" de l'époque:
Il semble que le Yamato ait pris le parti du Kudara (envoit de troupes, échanges diplomatiques...) avant de s'implanter lui-même en Corée en créant une colonie dans l'extrême Sud de la péninsule (Minama). (Cette théorie de la "colonisation" est combattue par les historiens coréens et japonais: là aussi, les relents nationalistes doivent inciter à la prudence!).
En 421, le souverain du Yamato voit son rôle dans la péninsule confirmé par l'Empereur Chinois Song qui le nomme "Antô Shôgun wakoku-ô\" soit "Général pacificateur de l'Est et Roi des Wa". Et en 450, son titre de "Pacificateur du Minama" est reconnu.
Le VIème siècle est une période troublée pour le Yamato: les successions sont nébuleuses et son rôle international s'estompe: le Minama est démantelé au profit du Kudara et du Shiragi tout au long de ce siècle. Par contre, son emprise sur l'archipel s'accroit (Elle est entièrement contrôlée sauf le Nord qui reste territoire Aïnu) et un premier système d'organisation de la société fait son apparition (division entre "uji", les clans, et "be", les serviteurs et artisans répartis selon leur spécialité.)
C'est également au VIème siècle que le bouddhisme fait son apparition au Japon et "concurrenc\" la religion animiste locale (le Shintô). Il est introduit sur une initiative du Roi du Kudara (en 538, il fait envoyé une statue du Bouddah en Bronze au Yamato) allié du Yamato, qui lui proposa d'adopter cette religion à laquelle lui-même était converti depuis ~150 ans. La cour du Yamato ne le fit pas tout de suite: deux "clans" s'affontaient, les Soga d'un côté, les Mononobe, les Otomo et les Nakatomi de l'autre. Les Soga, partisan du bouddhisme, finirent par l\'emporter en 587. Ils imposèrent un "Empereur" du Yamato à leur convenance (Suikô-Tennô, une femme) et le bouddhisme prospera comme religion officiellement reconnue...
On voit déjà combien à l'époque, l'Empereur est finalement aux "mains" de clans très puissants ( figure de "séparation des pouvoirs" qui perdurera jusqu'à nos jours) les Soga étant eux-mêmes supplantés ultérieurement dans ce rôle par les Fujiwara (revanche des Nakatomi)...
Ceci marque la fin de la "préhistoire" nippone.
A suivre...